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LE SONGEUR DE COMPOSTELLE
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25 juin 2014

LE CURIEUX DESTIN DE PAUL DE MANGE

1311089-Vincent_Van_Gogh_Portrait_de_lartiste[1]« Deux  demis s’il vous plait ou si vous préférez un entier… » Voilà   le genre d’humour pesant  ponctué d’un immense éclat de rire assourdissant  dont abusait le plus souvent  Henri Sauvage .Celui-ci se disait libraire .En fait il avait en charge le rayon papeterie d’un super marché local où la seule  empreinte littéraire se limitait à quelques romans de la collection «  Harlequin  » De petite taille ,d’une maigreur excessive , la quarantaine ,célibataire par conviction, Henri Sauvage est rouquin ,un vrai roux  comme toute sa famille depuis cinq génération ainsi qu’ il se plait  à le souligner avec une fierté non dissimulée. Cette caractéristique physique aujourd’hui assumée lui a valu le surnom sans originalité de « Poil de carotte »  dans les cours de récréation de son enfance mais surtout une haine viscérale de sa part  à l’encontre de Jules Renard.

Son compagnon de tablée, ancien professeur d’art plastique, artiste comme il aime se définir avec prétention, n’a jamais véritablement exercé profitant de la fortune familiale maintenant dilapidée .La soixantaine, les cheveux en bataille, lunettes rondes « Lenonnienne », et bien sur l’écharpe rouge de rigueur en toutes  saisons pour marquer son appartenance à une caste se prétendant, intellectuelle, il voue également un culte au célibat trop égoïste pour partager un quotidien matrimonial . .. Cette même vanité la conduit à modifier son patronyme Paul Demange en Paul de Mange arguant que la particule sied parfaitement à son talent artistique.

Improbable complicité de ces  deux hommes confortablement installés à la terrasse d’un café où Henri Sauvage trouve un interlocuteur qu’il considère suffisamment érudit en adéquation avec sa prétendue fonction  professionnelle et où Paul de Mange fait impunément étalage de sa pseudo culture sans risque d’être contredit ou pris en  défaut .d’affabulation.

-Tu vois, Henri, l’existence d’un homme est éphémère, elle ne compte pas  si on la compare à l’immortalité de son œuvre .Regarde toi, dans cent ans et je suis généreux, plus aucune personne vivant actuellement sera présente pour perpétuer ta mémoire…  Tu ne seras plus qu’un tombeau anonyme, même pas un souvenir….Mona Lisa est éternelle par la grâce de Léonard de Vinci  et l’on évoquera le nom de Liz Taylor davantage par les représentations colorées d’Andy Warhol  que par ses rôles emblématiques  .Tu comprends, Henri ?

-Bien sûr, n’oublies pas que je suis avant tout un littéraire, je bosse au milieu des livres, je conseille même régulièrement  les clients…

--Oui, oui si ça te fait plaisir, je vais te confier un confier un secret : depuis des années  je réalise le tableau parfait, le saint graal des artistes, celui qui restera unique dans l’histoire de l’humanité et perdurera jusqu’à la fin des temps…

-Je reconnais bien la ta modestie, tu ne crois pas que tu  exagères ?

-Laisses moi finir, pour cette toile, je me suis inspiré des  plus grands : les touches de pinceau de Van Gogh, l’utilisation de la lumière de Léonard de Vinci, du cubisme de  Picasso, la fluidité des traits de Renoir…

-Stop, j’ai compris, mais ton tableau, il représente quoi ?

-Moi, bien  sûr, Paul de Mange pour la postérité, à la fois auteur et modèle, un génie, je suis éternel…

-Oui, enfin, mais même le Christ est mort au moins une fois !

-Je te  laisse, ce soir je le signe et demain en route pour le panthéon de l’art !

A cet instant, Paul de Mange visiblement excité, quitte la terrasse de « La Coupole », traverse précipitamment l’avenue sans voir un camion de livraison qui le percute violemment, l’envoie, un court instant tutoyer les nuages, puis voir définitivement si le père éternel existe réellement.

Un siècle plus tard, le musée du  Louvre exposait en lieu et place de la Joconde une œuvre inestimable prêtée par le Metropolitan Museum of art de New York,  un auto portrait d’un artiste du début du XXI siècle .Un père et son fils aussi rouquins l’un que l’autre observaient avec attention le célèbre tableau.

-Papa, dis-moi, c’est qui le Monsieur, c’est lui qui a dessiné ?

-Regarde, Henri, (le gamin avait le même prénom que son arrière-grand-père)  il est écrit qu’il s’agit d’un autoportrait anonyme d’ailleurs la toile  n’est même pas signé, sans doute un artiste très  modeste!

A tous les ambitieux de la terre, sachez que la postérité ne se décrète pas et que le destin réserve parfois de bien curieux tours .Van Gogh est mort misérable, Alain Fournier n’a jamais connu le succès du  « grand Meaulnes », Oscar Wilde est décédé dans l’oubli et la misère, Boris Vian a écrit « l’écume des jours » en 1946, est décédé en 1959 et son roman n’a été un triomphe en   librairie qu’en 1963 …  Les bannis d’aujourd’hui seront  peut-être les génies de demain ,mais au fond quelle importance puisqu’ aucun d’entre eux n’aura conscience de cette gloire tardive sauf si  François Mitterrand avait raison en prophétisant  dans un élan mystique « Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai jamais… »

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